Wednesday 12 September 2012

Adapter ses passions à ses besoins

J’avais 6 ans quand ma grand-mère m’a octroyé une petite portion de notre potager familial.  De ce moment solennel de responsabilités au cours duquel je réalisai que je tenais en main ce bout de terre à organiser selon mes idées, pour lequel j’allais pouvoir choisir mes semences et enfin regarder la nature y faire son travail, je sentais déjà un certain  sens d’accomplissement et la fierté à venir devant mes récoltes.
De là vient ma passion pour la terre et son travail, toujours émerveillée par le miracle qu’opère la nature avec un petit peu soin et de patience.  Vivant depuis 20 ans à Belfast sans jardin assez grand pour un potager, j’ai cependant toujours fait preuve d’ingénuité pour trouver un moyen de créer de petits espaces, dans des pots, ou jardinières pour y faire pousser radis, carottes, poivrons, fraises, salades et herbes aromatiques, au plus grand plaisir de ma grand-mère.  Cette complicité de jardinières nous a tenues rapprochées jusqu'à cette année malgré la grande distance qui nous séparait.  Mamie prenait plaisir à m’entendre au téléphone parler de mes semences et de mes récoltes, de mes légumes et de mes fleurs et riait en me disant qu’après elle, j’étais la dernière paysanne de la famille.
Il y a 4 ans de cela, au cours d’une de mes sorties de Geocaching,  j’ai eu la chance de faire une rencontre providentielle avec un Ranger du National Trust.  En discutant, il m’a parlé d’un de leurs projets en cours de développement et m’a tout de suite emmenée voir ce nouveau jardin communautaire sur les terres du National Trust en périphérie de Belfast.  J’en suis repartie avec la clé du portail et de la cabane à outils ainsi qu’avec un petit lopin de terre à mon nom.  Faire partie de Minnowburn Community Allotment a tout simplement révolutionné notre vie.

Minnowburn Community Allotment
Cet espace rural et  sa communauté de jardiniers m’ont tout simplement motivée à rester active malgré la maladie et mon handicap grandissant.  Ensemble, nous avons maximisé notre potentiel et réalisé de nombreux projets pour améliorer nos espaces communs, notamment notre serre, nos jardins de plantes aromatiques, notre verger, la construction d’un four à pain…etc.   Chacun met à la disposition du groupe ses compétences et du temps libre.  Ainsi, malgré mes limitations physiques, j’ai moi aussi trouvé ma place dans cette communauté dynamique. 
En ce qui concerne mon potager, mes méthodes de travail ont du évoluer avec mon handicap et mon état d’esprit.   Pourquoi m’entêter à passer par la souffrance pour continuer à profiter d’une de mes activités préférées ?   Après deux années passées à bêcher à genoux, il était impératif d’adapter mon jardin à mes besoins.  Ensemble nous avons réfléchi à la problématique et discuté des possibilités d’adaptations. 
Mais c’est en lisant le livre de Sepp Holzer sur la permaculture que j’ai trouvé mon inspiration pour la réalisation de mon parterre surélevé.   Avec l’aide de notre équipe, nous avons d’abord creusé mon parterre existant, déposé une première couche de bois mort, ensuite couvert d’une couche de gazon, herbe en dessous, terre au dessus, mis une légère couche de crottin de cheval, recouvert le tout de compost et fini par une couche de terre.  Outre l’aisance que m’apporte ce parterre surélevé et en forme pyramidale pour jardiner et récolter mes légumes assise, ce nouveau lopin de terre se révèle super productif.  Quel plaisir d’aller récolter betteraves, carottes, courgettes, salades, radis, haricots et petits pois sans avoir à me trainer dans la terre ! 

Comme d’autres malades abrutis par la SEP et le handicap, j’ai d’abord pensé qu’il me faudrait abandonner  bon nombre de mes activités et passions dont je tirais bonheur et équilibre.  Je comprends maintenant qu’il me faut accepter de faire les choses différemment et en mon temps, savoir adapter mon environnement, choisir des outils adaptés à mes nouveaux besoins, accepter l’aide offerte généreusement et persévérer toujours en suivant le changement.

Mon seul regret est de ne plus pouvoir raconter mes petites victoires de jardinière à ma grand-mère.