Tuesday 17 January 2012

Mon épiphanie sans les Rois mages et la galette

Les astres m’annonçaient un début d’année tumultueux au niveau émotionnel et bien  c’est  gagné ! C’est en effet une sorte d’épiphanie qui me pousse à reprendre le clavier.
Début Novembre, mon neurologue m’avait annoncé que les résultats de mon dernier IRM étaient « hot » et de saison…mon cerveau et colonne vertébrale apparaissaient  aussi illuminés qu’un arbre de Noel !  Ceci venait confirmer le soupçon que nous avions tous les deux-toujours pas de rémission en vue malgré cette poussée  de près 6 mois.
C’est toujours un peu triste de se dire que les traitements ne sont offerts  qu’au compte-goutte en Grande-Bretagne, ce qui demande des signes forts de détérioration avant qu’une décision puisse être prise.  Là, en effet, il était clair qu’on ne pouvait plus attendre pour agir.
Le seul traitement m’étant offert à ce stade de la maladie et de son agressivité s’avère  être le traitement que je m’étais promis de ne jamais accepter.  En effet, il y a deux ans, lors de recherches sur tous les traitements et particulièrement sur l’interféron que j’étais sur le point de commencer, j’étais tombée sur des articles exposant  les risques de TYSABRI (Natalizumab).  Parmi ceux-ci, il y a en effet le risque de contracter la LMP (leucoencéphalopathie multifocale progressive), une maladie fatale pour la plupart.  Il semble que les risques augmentent avec la durée du traitement par TYSABRI.  La première année ne semble pas attirer de très grands risques, mais après la deuxième année de traitement, le risque attend 1 personne sur 1000 et la troisième année 1 sur 500.
Tenant énormément à ma vie, malgré ses nouvelles limitations, je dois avouer que j’ai pris un certain  temps pour réfléchir et discuter des risques avec ma femme et mes proches, à peser le pour et le contre.  Finalement, le raisonnement humain a prévalu : »quand il y a de l’espoir , même si ce n’est pas d’améliorer sa qualité de vie mais au moins de stopper pour un temps une plus grande détérioration de mes capacités » et bien je prends le risque.
Malgré l’urgence de la situation,  je suis toujours en attente deux mois après ma décision.
Il a fallu d’abord faire une demande de financement auprès de l’administration sanitaire centrale  de Belfast.  L’accord vient d’être enfin donné.  Je devrais dans les jours qui viennent recevoir mon rendez-vous pour la clinique TYSABRI de l’hôpital.  Une fois par mois, j’irai passer quelques heures attachée à une perfusion de ce poison-médicament,  entourée des infirmiers spécialisés pour la SEP que je commence à bien connaitre et surement  5 ou 6 autres patients qui deviendront mes amis de traitement pour au moins deux ans.

L’épiphanie dont je parlais en début de posting, c’est tout simplement que j’ai enfin compris que je n’irai pas mieux et qu’il faut que je travaille dur pour conserver les facultés que j’ai encore, même si certaines sont limitées par le manque de stimulation nerveuse ou par la fatigue.  Je ne dois plus brûler mon énergie à lutter contre la SEP et voulant montrer au monde et à moi-même que ma vie ne changera pas , même si les quatre murs encadrant  ma vie sont de plus en plus rapprochés et minimalisent le champ de ma vie de plus en plus.  Je ne veux plus attendre d’aller mieux pour vivre et découvrir, continuer d’apprendre et de m’émerveiller, je veux et peux encore grandir.

Pour toute info surTYSABRI et LMP:

Tous ces mensonges qu’on se raconte en guise de réalité…

Novembre et Décembre m’ont malmenée.  Je me suis retrouvée en centre de rééducation pour plusieurs semaines, très surprise et croyant à une erreur : « Je ne suis pas aussi malade que tous ces patients incapacités et résidents à temps complet. »  Mon cerveau se croit malin.  Comme si le mécanisme automatique de la dissociation pouvait me protéger longtemps de cette réalité qui me terrifie !
Après deux jours dans la naïveté la plus complète pendant lesquels je me suis racontée que les autres patients devaient tous être atteints de maladies foudroyantes ou victimes de terribles accidents cérébraux, la vérité m’a rattrapée par la bouche d’une infirmière adorable, attentionnée mais dénuée de tout tact :  « ils ont tous la SEP ici »
J’ai vite compris que la raison pour laquelle mon neurologue avait fait des pieds et des mains pour m’y faire rentrer avant que mon nouveau traitement commence, était concentrée sur le besoin de me réveiller et de me faire agir de façon réfléchie et prenant en compte mes capacités limitées , et non plus de réagir contre la maladie comme un pitoyable feu d’artifice où les explosions d’énergie sont de courte durée et ne servent aucun objectif.
Je m’explique :  depuis le début de mes mésaventures avec la SEP, je me dis que puisque j’ai la forme à poussées, je ne suis pas vraiment malade.  Je ne suis pas dans la catégorie de patients qui subissent des bouleversements dans leur vie à cause de cette foutue maladie. Moi, je suis forte, maligne, obstinée et tenace, je ne me laisserai pas avoir comme ça !
J’avais jusqu’ici pu batailler avec la fatigue et la douleur et faire un vrai bras d’honneur à la maladie et à tous les professionnels qui semblaient me dire « apprête toi à changer certains aspects de ta vie ».  Ne voulant pas jeter l’éponge de peur d’avoir à porter le masque honteux de la défaite, j’ai fait l’erreur de mettre ma vie et mes envies en suspens.  Depuis quelques mois, je me répète quotidiennement « tu feras ça quand tu iras mieux, bientôt, sois patiente… », Dans ce centre de rééducation, c’est une claque magistrale que mon neurologue a voulu me mettre et je lui en suis vraiment reconnaissante.  Je n’irai pas mieux.  Pas demain ou la semaine prochaine.  Pas dans deux ans ou dix.  Je n’irai pas mieux.  L’important est maintenant de trouver un traitement qui me fasse tenir le cap un certain temps pour me donner le temps de regagner un peu de tous ces moments que j’avais mis en suspens.  C’est maintenant ou pas !  Toutes ces journées de Kiné intensive pendant lesquelles je me suis regardé déambuler comme un pantin désarticulé furent des moments de grand désarroi car je réalisais enfin l’énormité de l’illusion dans laquelle je m’étais enfermée. Le choc passé, j’ai travaillé à réapprendre chaque étape du pas, à remuscler les parties de ma jambe droite qui ne travaillent plus depuis des mois, faute de messages du cerveau qui rendent ces mouvements automatiques.
Le travail physique est aussi passé par le réapprentissage des gestes de chaque jour avec des aides ou en faisant différemment, pour éviter les chutes et tous autres accidents domestiques.  Mes sessions quotidiennes avec l’ergothérapeute m’ont permis d’aborder de nombreux sujets jusqu’ici encrés dans mes tabous.  Et puis admettre qu’on est prêt à passer à l’étape suivante, en laissant toute trace de culpabilité ou de honte, c’est un travail psychologique qui ne doit pas se faire seul avec ses larmes.  L’encadrement que j’ai reçu m’a vraiment permis de sauter le pas avec enthousiasme et sans peur.  Mon ergothérapeute m’a accompagnée pour ma  première sortie en chaise roulante, en publique, dans un supermarché.  Me questionnant sur mes peurs, j’ai réalisé que la seule chose qui me retient encore, c’est cette peur du reflet de moi que j’aperçois sur le visage des autres :   La peur de tomber nez a nez avec une personne que je connais et qui ne m’a pas vue depuis quelques années.  Difficile de juxtaposer l’image d’une grande sportive avec celle que je projette maintenant.
Ma chaise roulante est commandée et j’ai hâte de l’utiliser pour recommencer à vivre sans me cacher.  A moi les courses au marché du samedi, les promenades en pleine nature avec ma femme et mes amis, les concerts, le théâtre, le ciné et surtout le sport !  Je recommence ma vie sans mettre mes envies en attente d’un mieux qui ne viendra pas.