Friday 27 July 2012

Quand la SEP tient la chandelle!

Toute maladie débilitante, la SEP n’est pas une exception, affecte non seulement la personne malade mais impacte aussi lourdement sur la vie de la famille, la vie du couple et change souvent la dynamique dans les relations avec ses proches. 

Un dialogue franc et tolérant est essentiel pour instaurer un climat de confiance où chacun puisse se sentir libre d’exprimer son ressenti, ses angoisses, ses doutes ainsi que sa colère face à la maladie et le handicap sans pour autant se culpabiliser ou essayer de protéger l’autre coute que coute.

Dans mon couple, nous vivons désormais à trois, Emma, la SEP et moi.


Dans les premiers temps, nous avons eu toutes les deux la même attitude :  on dit merde à la maladie et on n’y pense plus.  Petit à petit, la peur qui s’installe pendant ces longs mois durant lesquels on ne sait pas quel sera le diagnostique, cette peur se matérialise individuellement et parfois différemment.  

De mon coté, je préfère ignorer l’épée de Damoclès qui pèse pourtant lourdement, la vie continue, tout reviendra dans l’ordre bientot... et je remets ma confiance dans les mains des spécialistes. 

Emma, elle, a besoin d’une cible pour sa colère.  Sa frustration par rapport à l’absence de certitudes quant à ma maladie, se tranforme en colère contre la lenteur du système de santé et notre long calvaire vers un diagnostique.  Sa vie à elle aussi bascule, et pourtant la maladie joue l’intrus, l’exclue et la garde à distance.  Dans cette nouvelle relation,  elle ne peut rien face à ma douleur, elle ne peut pas la faire disparaitre ou la rendre moindre.  C’est un terrible sentiment d’impuissance.  La seule facon pour elle de se rapprocher de mon vécu et me protéger, est en quelle que sorte la substitution de sa bataille virtuelle avec la SEP par une bataille physique avec le corps médical pour faire avancer les choses et obtenir le traitement miracle...tout ira bien dans le meilleur des mondes !

Il nous est parfois impossible de minimaliser la distance qui nous sépare.  De mon coté, je culpabilise d'avoir introduit la SEP dans notre couple, dans notre vie.  Comme pour me racheter, je sacrifie toute mon énergie pour assurer le bon déroulement de notre quotidien, en faisant tout mon possible pour qu'Emma ne puisse percevoir le moindre changement.  L'épuisement qui en découle et voit bien souvent l'apparition de nouveaux symptômes, à son tour entraine un sentiment de culpabilité chez Emma.  Elle se sent alors minable et pas assez à la hauteur.  Cette négativité grandit à mesure de notre silence et prend des proportions parfois étouffantes.  Il nous reste alors à percer l'abcès pour communiquer enfin l'essentiel, le vrai message du cœur.

Il faut que je me fasse une raison.  Emma est en droit d'être furieuse contre la SEP. Mais vivant en cohabitation forcée avec la maladie, je n’ai pas le loisir de pouvoir me dissocier de la SEP et donc je me mets vite sur la défensive en me sentant attaquée personnellement par sa colère.  Ce genre de malentendus peut être difficile à vivre au quotidien et teste le plus solide des couples.

La fatigue, symptôme silencieux de la SEP entraine une difficulté à gérer les humeurs ou bien la concentration.  Souvent il m’arrive être aussi inanimée qu’un bout plastic.  Je n’ai aucune pensée, aucun sentiment…je suis un mur !  Il est alors difficile pour ceux qui m’entourent de comprendre ce changement de comportement sans se demander si je déprime ou fais la tête ou bien simplement manque de compassion.

Outre ces problèmes de communication, la SEP a plutôt tendance à casser l'ambiance quand il s'agit de baisser la lumière, mettre de la musique douce et de se retrouver intimement...au son de Let's get it onD’un coté, le manque de sensations dans certaines parties du corps, de l’autre un manque de coordination et de dextérité de mes membres, accompagnez tout ça par des douleurs neurogènes qui souvent s’expriment par de violents spasmes musculaires...et vous pouvez facilement imaginer la recette catastrophique pour un couple ne demandant qu’à passer un moment de plaisir ensemble !  Heureusement, armée d’humour, on peut tout surmonter dans la bonne humeur.

Dans mes relations avec mes amis, la SEP a énormément changé notre dynamique.  Je ne prévois rien longtemps à l’avance et décommande souvent à la dernière minute.  Les conversations téléphoniques m’épuisent, mes amis parlent donc plus souvent avec mon répondeur qu’avec moi-même.  Pour eux aussi, il a été difficile de voir apparaitre certains changements.  Ce n’est pas simple de se sentir en phase avec le handicap des autres.  Les conversations sont piégées de tabous que certains évitent faute de savoir comment les affronter. 

J’étais récemment à une soirée d’anniversaire d’une de mes meilleures amies.  Certains de ses invités me connaissent depuis longtemps sans pour autant entretenir avec moi une relation proche.  Mon entrée au restaurant en chaise roulante fit donc tomber un silence glacial sur notre petit groupe.  Certains ne pouvaient même pas me regarder dans les yeux ne pouvant cacher leur panique à l’idée de ne pas savoir quoi dire…comme... un simple bonjour, comment ça va ?  Ce n’est que plusieurs heures et pour certains, quelques verres de vin plus tard qu’une de ces personnes m’a approchée en s’exclamant : « What the fuck is it with the wheelchair Muriel ! »  Il ne comprenait pas que personne ne m’ait demandée ce qui m’était arrivée alors que 6 ans plus tôt nous skiions régulièrement ensemble.  La réaction des autres est imprévisible mais toujours pardonnable une fois comprise.


Quant à la famille, la peur les hante et les ronge.  Les discussions sont difficiles.  Chacun veut faire de son mieux et en son possible pour me protéger et en même temps soulever leur propre montagne d’impuissance face à mon handicap grandissant.

Il n’y a rien de mal à  avoir besoin d’exprimer tous ces ressentis différents.  Il n’y a pas non de plus de mal à vouloir accepter la maladie telle quelle et d’essayer de s’en faire une amie.


Pour les conjoints, lire les differents articles sur le site Sclerose-en-plaques de l'APF qui traitent de l'impact qu'a la SEP sur le couple, dont la fiche "La SEP dans le couple:  en equilibre sur le fil de l'amour"

Thursday 5 July 2012

Ma compagne la douleur

Bon nombre sont ceux qui feraient n’importe quoi pour étouffer la plus infime douleur.  Nous sommes une société qui, ne supportant pas la moindre souffrance, a pris l’habitude de consommer aspirine et paracétamol comme des bonbons.  Pourtant, la douleur peut être une bonne amie puisqu'elle sert en quelque sorte de sonnette d'alarme prévenant d’un danger immédiat ou de maux plus profonds.

La SEP complique un peu les choses.  En effet, l‘attaque de la myéline, sorte de couche isolante des nerfs se manifeste par des plaques d’inflammation dans le cerveau et la colonne vertébrale.  Ces plaques entrainent une mauvaise transmission entre le cerveau et le reste du corps.  Les messages peuvent être faux ou interrompus causant disfonctionnements et troubles de sensation.  Les douleurs neurogènes qui en découlent, vont d’une simple irritation, des sensations de fourmillement à des sensations de brulure intense ou  des décharges électriques violentes. 

Mon expérience de la douleur neurogène continue est ciblée sur mes pieds et jambes, mes bras et mes mains et le coté droit du visage.  Cette douleur se manifeste par des sensations de brulures intenses et des sensations de vibration et fourmillement. Au début de la maladie, j’essayais coûte que coûte de bloquer la douleur, dépensant toute mon énergie à ignorer ces sensations pour finalement ne penser qu’à ça.

Maintenant, je cohabite avec la douleur, je l’accepte et je l’écoute.  Quand mon œil droit me fait souffrir, je sais que je dois ralentir et me reposer. Ainsi certaines de mes douleurs me servent de baromètre. Si je gère ma fatigue, c’est pour pouvoir accepter la douleur continue sans frustration et colère grandissante.

Les spasmes musculaires restent mes pires ennemis car ils me paralysent de leurs décharges électriques.  Mes chutes fréquentes leur sont dues et petit à petit grignotent de  ma confiance en moi.  Mes difficultés de déplacement à la marche et le manque d’équilibre sont ainsi dues aussi bien au dysfonctionnement du système nerveux qu’à la douleur dans mes membres et aux mauvaises habitudes prises pour compenser le manque de sensation dans les pieds et jambes.

A ces douleurs neurogènes s’ajoutent des douleurs musculaires.  Vivre avec la SEP est éprouvant pour tout le corps.  Certains muscles, tendons, articulations sont amenés à travailler deux fois plus pour compenser le mauvais fonctionnement d’autres groupes de muscles et articulations.  C’est un « burn out » au quotidien !

La spasticité, symptôme significatif de la SEP, se manifeste par une raideur et contracture des muscles.  Depuis plus d’un an, les muscles de ma cage thoracique sont constamment contractés et me donnent l’impression d’étouffer dans un corset deux tailles trop petites.  Régulièrement ce sont les muscles de mes jambes et bras qui se raidissent.  Tout mouvement devient extrêmement pénible et douloureux.

Chaque expérience de la douleur est tout à fait individuelle mais je crois que la meilleure manière d’aborder la douleur est de l’accepter et d’essayer de cohabiter.  Mon approche reste très holistique, combinant la méditation, l’aromathérapie aux massages musculaires.  Cependant, la nuit, quand mon inconscient refuse la douleur et les spasmes violents, je m’arme de médicaments contre les douleurs neuropathiques et musculaires pour me permettre de dormir.

C’est un tableau peu réjouissant certes, mais je découvre chaque jour un peu plus la capacité incroyable du corps humain à assimiler et normaliser aujourd’hui ce qui, hier, paraissait intolérable.