Sunday 17 January 2016

Bonne année, bonne santé... et pourquoi pas des voeux différents cette année!

2016 est la bienvenue, c'est certain. Le silence radio de 2015 a ses raisons. Ma SEP a déployé ses ailes en février 2015 et les décisions concernant mon traitement de fond m'ont été retirées des mains.

Mon neurologue, aux vues de mon état, a émis l'hypothèse inquiétante que les phases inflammatoires étaient une chose du passé et que je venais de passer le cap de non retour vers une descente dégénérative et progressive. Mon traitement de fond par Tysabri n'avait donc plus lieu d’être administré. Cette hypothèse, difficile à avaler, est cependant passée comme une pilule alors que je recevais en simultané les résultats positifs de mon virus JC. Après 3 ans de traitement et un virus JC positif, je connaissais bien les risques terrifiants de la LEMP. Au début du traitement, ces critères avaient été les limites que je m'étais promise de m'imposer le moment venu. J'ai donc eu ma dernière cure de Tysabri en février, disant aussi au revoir au suivi mensuel d'un neurologue et du soutien de mes infirmières formidables. Dans les premiers temps, je me suis sentie libérée de cet attachement mensuel à l’hôpital.

J'ai été alors placée sous les soins d'une équipe multidisciplinaire dirigée par le centre palliatif et antidouleur, avec neurologue et psy a l'appui. Très vite, ce n'est plus la maladie le point focal mais la douleur qui devient le centre d’intérêt de mon équipe multidisciplinaire. Mon traitement médicamenteux est ré-évalué, certains médicaments changés, d'autres augmentés, certains introduits comme le Lyrica et le Rivotril et les patchs de morphine conservés. Malgré ce nouveau régime de pilules multiples et colorées, je reste dans un état de douleur constant dans toutes ses subtilités sournoises connues de toutes les personnes atteintes de la SEP, brûlures, décharges électriques,spasmes musculaires, spasticité accrue, névralgie du trijumeau, étau de l'abdomen et fatigue extrême.



Mais très rapidement, je tombe dans un état presque comateux. Je m'endors en milieu de phrase, la cigarette à la main, je ne peux plus suivre un film ou lire un livre. Je passe mon temps en état second et mes capacités intellectuelles sont visiblement affectées. Je me surprends régulièrement en pleine discussion dont je ne comprends ni le début, ni la fin et je ne suis pas la seule. Emma s’inquiète de cette incohérence qui s'installe dans ,mon discours ainsi que dans mon comportement déjà inquiétant. Après 2 jours de délire total sans le moindre effort pour sortir de mon lit, Emma décide de faire venir mon médecin traitant et tous les deux parlent de mes symptômes. Très vite la panique s'installe. Mes symptômes pourraient ils signaler une LEMP? Je suis hospitalisée d'urgence en neurologie et toute une batterie de tests est enclenchée, dont une ponction lombaire. Rapidement, il devient clair que la source de mon état semi-comateux et incohérent est le nouveau régime médicamenteux lourd imposé en février par l’équipe pluridisciplinaire antidouleur. Je passe une semaine à l’hôpital pour commencer mon sevrage de Lyrica et Rivotril et on réajuste le reste. Heureusement, le pire scénario est écarté...pas de signe de LEMP, je ne risque donc pas la mort dans les semaines à venir, ou pire, un état végétatif permanent.

Petit à petit, je reprends du poils de la bête et reprends mon train train quotidien yoga, soins, repos, kiné. La douleur est là pour rester, j'apprends à la tolérer, à cohabiter. Le soutien psychologique du centre antidouleur m'aide un peu à accepter ma situation et mon impression de vide dans ma vie et le sentiment d'absence de suivi thérapeutique. Mon médecin traitant devient mon pilier, mon soutien constant, toujours a l’écoute.

Les mois défilent et les murs de ma vie se referment sur moi de plus en plus. J'ai l'impression de faire figuration dans la vie de mes proches mais de ne plus vraiment tenir le rôle principal dans ma propre vie. La SEP m'a absorbée! Je perds confiance en moi puisque je n'arrive plus à gérer les choses importantes de notre vie: l'administratif, les rendez-vous à droite à gauche, notre vie de couple, ma vie sociale, familiale, les taches ménagères, les courses, la cuisine. Ma mémoire me fait défaut. Je me rends compte que les pics de fatigue m’enlèvent toute cohérence et rationalité. Je me referme sur moi-même. Emma, désemparée me regarde sombrer dans une dépression latente.
Je ne veux pas lui communiquer mes peurs et elle garde les siennes bien au chaud pour lui tenir mauvaise compagnie pendant ses nuits d'insomnie. Je suis devenue Zadig, championne du faire semblant pour les autres, du tout va bien dans le meilleur des mondes car on ne me voit que lorsque j'ai la force de jouer ce cinéma.

La réalité est bien différente. J'ai peur de mes peurs, du présent et du futur. Je ne veux pas être admirable et forte. Je veux avoir le loisir de m'accrocher à la vie, une meilleure vie dans un corps qui ne m'emprisonne pas dans ses tourments et faiblesses. La SEP me tire vers le bas et je commence à lâcher du lest. Je perds de moi-même un peu plus chaque jour. J'ai l'impression de disparaître peu à peu. La maladie est ma réalité mais je n'arrive toujours pas à accepter que je n'irai pas mieux, mais de mal en pire. Sans espoir! C'est un état d'esprit qui va à l'encontre de l'essence même de la psyché humaine. On vit chaque jour, on se bat chaque jour pour que le prochain soit meilleur, sinon à quoi bon!

Je crève de faim pour une colère qui me remplirait d’énergie, même négative, tout sauf ce sentiment de vide. La balance est penchée par le désespoir, ma vie ne pèse plus bien lourd. Mes plus beaux moments semblent derrière moi. J'ai peur d'avoir vécu le meilleur de ma vie à 41 ans! J'ai peur d’entraîner ma femme, celle qui me fait encore sourire chaque jour, vers une vie triste et sans fin, à porter le lourd fardeau que je vais devenir...que je suis déjà. Je ne peux tolérer l’idée qu'elle soit coincée dans cette vie avec moi. Je préférerais lui briser le cœur maintenant, plutôt que chaque jour pour la durée de ma vie et de la sienne. Je ne suis même plus capable de confronter touts mes états d’âme avec ma psy. J'annule mes rendez vous, je fuis, je reste dans ma tête et dans ce corps qui m'emprisonne.

Pendant l’été, la canicule me fait terriblement souffrir et je passe de nombreuses nuits, éveillée, consciente, incapable de bouger même un doigt, la douleur, les brûlures étant trop intenses. Ces épisodes durent des heures pendant lesquelles je m’obsède à penser que peut-être un de ces matins, je serai emprisonnée dans cette douleur intense, incapable de communiquer, de bouger et ce pour toujours. Je ne peux même pas en parler. A la place, je commence à fantasmer sur les meilleurs moyens d'en finir avant de ne plus pouvoir décider de ma fin de vie ou de communiquer mes souhaits et dernières volontés pour une fin de vie digne et supportable.

Fin septembre, après de nombreuses visites de repérage en forêt, aux limites de ma liberté, dans mon périmètre d'autonomie en chaise roulante électrique, pour trouver le bon arbre, la branche assez robuste pour m'y pendre, je finis par mettre tous mes médicaments dans un sac et je pars m'installer dans un de mes coins préférés, couverts de mousse épaisse, pour tous les avaler et en finir une fois pour toutes.

Quel terrible acte égoïste! Dans ma détresse, je n'ai jamais pris en compte le traumatisme infligé à Emma qui m'y retrouve dans le comas et me sauve en appelant les services d'urgences.
En ouvrant les yeux en service de réanimation, après des jours sous intubation et dans le comas, je ressens un bonheur enveloppant tout mon être. Je suis toujours bien là, pour continuer à vivre l'aventure de la vie avec celle que j'aime et qui me soutient de tout son amour. Nous nous sommes perdues toutes les deux dans les méandres de nos propres peurs.

Après un mois en centre de convalescence à réfléchir, à revisiter, à discuter avec les psy, à rouvrir le dialogue avec Emma, à écrire pour comprendre mes pensées de jour en jour, je me suis reconstruite, nous nous sommes reconstruites.

Le jour de ma sortie est le premier jour du renouveau...un nouveau départ!

Alors en ce début 2016, ce n'est pas une meilleure santé que je veux qu'on me souhaite mais la capacité de percevoir chaque jour la beauté de la nature qui m'environne, la lumière qui inonde le Causse, même en plein hiver, l’énergie de prendre le temps de profiter de chaque balade possible avec Emma, de chaque moment de joie partagée avec mes amis et proches, la détermination pour ne pas baisser les bras, la force d’être moi-aussi un apport de soutien, pour Emma, la patience et sagesse pour communiquer mieux à deux notre vécu, la SEP présente dans nos vies à toutes les deux et beaucoup de sérénité.

Alors pour commencer cette année avec un symbole qui me rappellera cette renaissance que je veux marquée de créativité et de curiosité ainsi que cette envie d’être forte pour nous, pas seulement pour moi, je me suis faite tatouée l'avant-bras d'un Mandale en forme de Lotus.




Bonne année à tous.