Wednesday 29 February 2012

Qui veut aller loin ménage sa monture.

J’attendais pourtant ce moment avec une certaine impatience, projetant  bon nombre d’escapades enfin rendues possibles par cette chaise roulante.  Il est vrai que l’attente fait fantasmer de façon peu rationnelle et j’attends tout de même depuis 9 semaines que mon ordonnance se matérialise enfin.  Comme toujours, le NHS est synonyme de longue liste d’attente et j’ai du avoir recours à la Croix Rouge qui prête du matériel médical.

Le premier jour de ce nouveau partenariat, Emma m’a déposée devant l’hôpital en allant travailler.  Assise, mon petit sac en bandoulière dans le dos de ma chaise, j’ai fait au revoir de la main, ressentant monter en moi une vague de timidité et d’angoisse sorties tout droit de mon enfance, la peur de l’échec  et de la honte.  Pas le choix, je ne peux pas rester coincée entre les portes automatiques de l’entrée de l’hôpital avec le va-et-vient incessant du personnel soignant  et des patients. 
Roulez jeunesse !
Quel plaisir ! C’est la première fois depuis trois ans que je me déplace sans douleur et avec une certaine vitesse.  J’arrive à ma salle de traitement toute fière de cette nouvelle liberté et aisance de mouvement. 
Ce deuxième traitement s’est bien déroulé malgré mon angoisse qu’une crise d’épilepsie ne se déclenche à nouveau.  Je croise les doigts !
Apres mon traitement, mon amie Shannon m’a rejoint et nous sommes rentrées chez moi en taxi passer le reste de l’après-midi à faire la sieste et à jouer au scrabble. 

Ce n’est que le lendemain matin que j’ai découvert stupéfaite et plutôt gênée que nous avions oublié un bout de ma monture dans le coffre du taxi. 
Mon dieu, les choses commençaient bien ! 

WANTED!

J’ai dû lancer un avis de recherche pour mon repose pied en téléphonant à toutes les compagnies de taxi qui prennent régulièrement des passagers devant l’hôpital.  Apres quatre longues heures d’attente près du téléphone, on a pu me confirmer que ma pièce avait été localisée et me serait rendue le soir même.

Remise de mes émotions, j’ai décidé, le lendemain, d’aller en reconnaissance dans mon quartier avec une amie en guise de bras de secours.  Quand on n’a pas besoin de faire attention à son environnement de près, on ne réalise pas à quel point une sortie en chaise roulante peut devenir cauchemardesque à cause d’un trottoir trop élevé, d’une portion d’asphalte défoncée, de voitures stationnées sur le trottoir…etc.  Mon ennemi a pris la forme d’une bosse de ralentissement en bas de ma rue.  Ne pouvant pas circuler sur les trottoirs défoncés de ma rue, j’ai été obligée de circuler sur la chaussée en me demandant si ça m’obligeait à porter un casque comme les cyclistes.  Je n’ai jamais pu remonter la bosse toute seule.  Ma première tentative a fini dans le caniveau, la chaise sur une roue et moi la moitie du corps dans le caniveau, mon postérieur bien ancré dans la chaise. 
La boune fame avait cheu !  Malgré une honte passagère pendant laquelle on jette des regards furtifs autour de soi, on réalise que l’honneur est toujours sauf !  L’important, c’est de remonter en selle tout de suite pour ne pas donner plus d’ampleur à cette baisse de confiance en soi.  C’est bien sûr toujours plus facile quand on a le soutien d’amis avec qui on peut rire de la situation et diffuser le tout. 
Il y aura, je n’en doute pas, d’autres chutes et d’autres moments gênants.  Le plus grand obstacle est la peur de l’échec et de la gêne publique.  C’est assez intéressant de réaliser que j’ai plus de mal à surmonter cette peur que de surmonter le handicap au quotidien.

Thursday 16 February 2012

Animal Farm

On ne devrait jamais juger un livre par sa couverture ! J’avais toujours pensé que le milieu hospitalier en France offrait des soins supérieurs à ceux d’Irlande du Nord de par la qualité de l’hébergement :  chambre individuelle avec salle de bain, toilettes, télé…le confort individuel pour plus de repos. 
Ici, c’est la chambrée mixte ouverte sur couloir, six lits, six chaises, six tables de nuit pour ranger ses effets personnels, six tables-plateaux.  Le seul élément de discrétion offert est un rideau bleu NHS entre les lits que les docteurs et infirmiers tirent à chaque consultation ou en cas de tragédie, lors des derniers souffles d’un patient, offrant un bien mince rempart pour la famille en guise d’intimité.
Les patients vont et viennent certes, mais au fil des jours, la compassion et sympathie que l’on est amener à ressentir pour ses voisins de lit ainsi que leur famille, se transforme vite en amitié ou à l’inverse en allergie.  Cette chambrée claustrophobe agit telle une cocotte minute :  sous la pression de la vapeur, nous voila fusionnés, telle une équipe de sport convergeant vers la même victoire, la notre, sortir enfin de l’hôpital !
Ce petit groupe assemblé au hasard est toujours marqué de personnages très distinctifs  et c’est une comédie des mœurs qui se joue devant nous. Sur scène :  le patient qui a tous les maux du monde et raconte en détails les épisodes par lesquels il a eu le malheur de passer.  Il renchérit comme lors d’une partie de poker dès que quelqu’un annonce un nouveau symptôme.  Il a tout eu, tout souffert.   Il y a la femme de la grande bourgeoisie coincée dans sa robe de dignité froissée.   Elle n’est pas du même monde et aurait de loin préféré la tranquillité d’une chambre individuelle.  Elle n’ose pas se changer en vêtements plus confortables et somnole raide et droite dans sa chaise, évitant de croiser le regard de qui que ce soit, comme si elle avait peur d’attraper la maladie des autres.   La sexagénaire, un fichu coloré sur la tête, sortie tout droit de sa campagne a l’air plutôt excitée par  la nouveauté de cet  environnement.  Elle cherche à faire la conversation à tout prix, heureuse d’avoir enfin un auditoire, et elle ne s’arrête plus, pas même pour reprendre sa respiration.  Chaque patient est interrogé sur sa généalogie et chaque détail est indexé et recoupé selon son système de gestion d’information.  Elle connait un cousin d’un cousin de la mère de l’un.  Elle habite le même bled perdu que le grand oncle d’un collègue de l’autre.  Elle a besoin de découvrir ces connections comme si sa vie en dépendait.  Il y a aussi le patient qui observe et participe aux échanges au minimum comme si il faisait parti d’un monde parallèle.
Ce manque d’intimité et de tranquillité est un salut pour moi ! Je n’ai ni le temps, ni l’espace pour laisser libre court à mes angoisses sur le futur.  Dans un service tel que celui de neurologie, on est face à tant de conditions différentes, toutes aussi plus terrifiantes les unes que les autres, que l’on en vient à se considérer  plus chanceux que bon nombre de patients.  Je crois très sincèrement que l’isolation que l’on institue dans les hôpitaux en France n’est ni bon pour le moral ni bon pour la guérison.  On semble vouloir protéger le patient du regard des autres, hors c’est de là que l’on tire une réelle image de sa propre condition.  Je tire énormément de force du fait que mes voisins de lit ne voient pas tout mon handicap et ne soupçonnent pas la douleur qui m’accapare en permanence.  Ils voient mon sourire et partage ma bonne humeur ce qui me fait oublier moi aussi pourquoi je suis là.  On existe alors en tant que personne dont on connait certains aspects, certains traits de caractère, et non pas en tant que Lit N  3- SEP/Epilepsie.
Telle une bande de copains, on s’inquiète les uns des autres, on prête son épaule à ceux qui ne peuvent plus contenir leurs larmes.  On se distrait en se racontant des tranches de vie.  On apprend à connaitre la famille des autres, surtout quand celle- là est très présente au chevet d’un malade qui est rarement dans un état conscient.  On se serre les coudes quand le roulement du personnel soignant nous apporte un personnage peu affable ou même carrément patibulaire. 
Pour les patients peu entourés, cette source d’amitié permet de ne pas affronter un diagnostique abrutissant seul.  On s’écoute les uns les autres, ce qui permet de réfléchir et de digérer les nouveaux bouts d’information donnés sur sa condition.
C’est une grande victoire sur l’indifférence et l’isolation qui ne coûte pas plus chère au système de santé et qui permet aux malades de se remettre bien plus vite  sur pieds car ils retrouvent l’envie d’aller mieux.

Wednesday 15 February 2012

Carpe Diem

L’amélioration tant attendue ne s’est pas matérialisée, bien au contraire.  Mes dernières tribulations datent de Dimanche 5 Février. 
Malgré l’expérience que j’ai de ma maladie, je reste souvent dans le flou quand il s’agit de reconnaitre les signes avant-coureurs d’une nouvelle poussée ou ceux de la fatigue extrême, qui s’avère pour moi être le pire symptôme de la SEP, car silencieux et invisible.  Dimanche, je ne me sentais pas moi-même.  Irritable, la tête dans les nuages, ne supportant aucune conversation, je sentais que ma tête était sous pression, un flux constant de sang vers les tempes, l’envie de vomir.  Je suis restée couchée tout l’après-midi en me torturant l’esprit d’avoir une fois de plus gâcher un après-midi  entier.
Après une soirée très tranquille, diner, télé, tricot…je me suis couchée, la tête embrumée et les oreilles me sifflant en continu.  Le sommeil est venu très vite mais n’est pas resté.  1h du matin et me voila réveillée, retournant dans ma tête mes peurs grandissantes quant à notre vie à trois, Emma, la maladie et moi.
Je me lève et descends m’installer à la cuisine avec mon journal de bord, bien déterminée à démêler mes inquiétudes et angoisses pour y voir un peu plus clair, plutôt que d’essayer d’affronter de pleine face cette montagne de petits riens accumulés.   Heureusement, Emma, ne pouvant, elle non plus trouver le sommeil, descends me rejoindre.  Nous commençons à discuter et très soudainement, je sens une pression terrible dans la tête et tous les muscles du visage, accompagnée de la nausée.  Je reconnais déjà les sensations annonçant l’évanouissement.
Je reprends conscience, je suis sous la table de la cuisine, les yeux ne voyant que la pénombre et la résonance qui me perce les oreilles. Et pourtant, je me sens au calme dans une légèreté assez agréable. Je pourrais facilement rester comme ça dans la sérénité, plus de peur, de peine, d’angoisse, de douleur…mais plus de vie, ça serait le pire des maux.
Etrangement, Emma réalise que je suis à nouveau consciente et moi-même car je dis et redis que je ne veux pas aller à l’hôpital.  Le coté têtu de ma personnalité prévaut une fois de plus !   Pourtant, il n’y a pas de discussion à avoir, je suis bonne pour un baptême en ambulance !  On ne se rend jamais compte de la gravité de la situation, à moins d’être hypochondriaque !
C’est Emma qui a besoin du soutien du corps médical pour le moment, besoin d’être rassurée sur mon état.  Je m’adapte au changement constant de mon état de façon organique.  Les nouveaux symptômes sont absorbés en quelques jours, et en repensant à ma condition un mois en arrière, deux mois, un an…je me dis que ces symptômes là n’étaient rien, un jeu d’enfant, et pourtant ils avaient changé ma vie à ce moment précis dans le temps, avaient entrainé de l’angoisse, de la peur même pour le futur. 
Pour ceux qui partagent ma vie, m'accompagnent chaque jour, le moindre trébuchement est vécu comme une chute, un symptôme différent tel une nouvelle étape d’un calvaire qui n’en finit plus et qui les plongent toujours un peu plus profondément dans le doute :  seront-ils capables de s’occuper de moi ? combien de temps nous reste il pour accomplir nos projets, atteindre nos rêves ? 
Cela dit, ne sont-ce pas les questions que nous devrions tous nous poser au quotidien pour éviter d’oublier que le train-train journalier ne fait en rien disparaitre le tic toc de l’horloge omniprésente de nos vies ?  Dans un sens, être malade offre un avantage certain.  On est bien plus conscient du besoin de vivre chaque instant comme si c’était le dernier.

Friday 3 February 2012

Tysabri- Première perfusion: le bilan

Ça y est! La première étape est derrière moi.  Jeudi matin, je me suis rendue à l’hôpital pour ma première perfusion de TYSABRI.  J’avais énormément d’appréhension, probablement la conséquence directe de recherches trop détaillées sur Google.  Heureusement, mon amie Shannon s’était proposée de m’accompagner tout au long de la journée et de m’assister si besoin, à mon retour à la maison.

La salle de soin me fait toujours penser à une salle de traite des vaches.  Tous les patients sont alignés de chaque côté de la pièce, branchés à des machines à perfusion.  Chacun s’occupe autant que possible, essayant de transformer ces heures de traitement en espace personnel:  certains lisent, d’autres rédigent des emails, d’autres se ferment complètement à leurs voisins en écoutant leur ipod, les yeux clos.  Je suis de ceux qui dorment, rejettant toute possibilité de rationaliser cette experience assez particulière.  Je plaisante avec les infirmiers pour me distraire de mon angoisse.

Je ne peux jamais m’empêcher d’observer les autres patients, comme si ils étaient différents de moi, plus malades, souffrant de plus de limitations de mouvements ou de parole…comme si j’essayais de me rassurer que je vais bien parce que je vais mieux qu’eux!

Une fois la perfusion terminée, on me reprend température, tension, pouls et puis on me garde sous observation pendant une heure.

La prochaine sera dans quatre semaines, cela pour au minimum deux ans. L'espoir de ne pas aller plus mal n'est pas aussi puissant que celui d'aller mieux ou de guerir, mais il faut se contenter de ce qu'on a. Je croise les doigts pour que ce traitement ne me rende pas plus malade .